Le monde numérique fait face à un grand défi : réduire son impact sur l’environnement. L’Intelligence Artificielle (IA) est souvent présentée comme une solution miracle. Mais est-ce vraiment le cas ?
Cette technologie fascinante promet de révolutionner notre rapport à l’environnement, comme un super-héros des temps modernes. Elle optimise nos data centers, rend nos logiciels plus intelligents et nous aide même à créer un monde plus durable.
Mais comme tout super-pouvoir, l’IA a besoin d’énergie pour fonctionner. C’est là que se joue l’un des défis les plus intéressants de notre époque : comment transformer cette puissance en véritable alliée de notre planète ?
Entre innovations et défis, découvrez dans cet article comment l’IA peut être à la fois une solution et un défi pour l’environnement.
L’IA et l’environnement : entre promesses et réalités
Jacque Ellul, connu comme penseur de la technique et de l’aliénation au XXe siècle, reprenait les mots suivants de Camus en parlant de la technique (technologie) : « La technique aura su remplacer la réflexion par le réflexe ». C’est l’idée que la technologie pousse à moins réfléchir sur nos besoins (et ce qu’ils impliquent) pour se focaliser sur la manière d’y répondre au plus vite.
Cette réponse s’appuie souvent sur des technologies dont les finalités et impacts échappent complètement aux utilisateurs et parfois même aux fabricants eux-mêmes. Ça pourrait être le cas de l’IA.
Présentée aujourd’hui comme une solution potentielle à la transition du numérique vers la durabilité, l’IA en l’état, n’est pourtant pas vraiment un exemple en la matière. En ce sens, pourrait-on croire selon l’expression consacrée qu’un pyromane pourrait devenir pompier ?
Comment l’IA optimise l’impact environnemental du numérique
L’IA, un pyromane avec un extincteur
L’intelligence artificielle révolutionne la transformation numérique et pourrait être un outil puissant pour répondre aux enjeux d’un monde durable, c’est indéniable. Elle permet déjà d’optimiser les ressources, de réduire les déchets et d’améliorer la prise de décisions dans des secteurs d’activités clés.
L’IA au service des data centers : l’exemple DeepMind
Dans le numérique, spécifiquement, elle peut être sollicitée dans de nombreux domaines. Google utilise par exemple DeepMind (appelé “Agent A.I” par les collaborateurs du Groupe) pour optimiser ses infrastructures IT et notamment leur refroidissement, réduisant à ce titre en 10 ans de 40 %, la consommation dédiée.
Pour rappel, 70 % de l’énergie consommée par un datacenter est utilisée pour le refroidir. Cela nous montre que l’IA peut agir de manière ciblée sur des outils existants, avec précision et efficacité tout en s’ajustant en temps réel aux besoins en ressources des différents outils.
Green Software Foundation : quand l’IA repense les logiciels
Le souci est que l’urgence liée aux enjeux environnementaux nous pousse à aller plus loin dans la durabilité. Nos outils doivent aujourd’hui être pensés pour être durables. Là aussi, l’IA pourrait avoir un rôle à jouer. C’est la vision des membres de la Green Software Foundation fondée par des piliers du numérique comme Microsoft, GitHub ou ThoughtWorks.
Cette initiative, en partenariat avec la Linux fondation, a pour objectif de réduire l’empreinte carbone de l’industrie du logiciel en intégrant l’IA dès leur conception. Microsoft l’a par exemple intégré à son Cloud Azure pour optimiser l’exécution des tâches ainsi réduisant ainsi la consommation énergétique dû au stockage.
Visioconférences et IA : réduire l’empreinte du télétravail
Une autre utilisation qui ne saurait mieux s’inscrire dans son époque est son usage dans le cadre de la visioconférence.
Pour rappel, selon une étude de l’Apec effectuée en mars 2024, un quart de la population active cadre française est passée au télétravail avec une moyenne de 2 jours par semaine. Rappelons également que l’impact est non négligeable et qu’il est surtout relatif au flux vidéo, c’est ce que démontre l’étude Greenspector de 2022 sur le sujet : en moyenne, une minute de visioconférence en audio consomme 91 % moins de données qu’avec la vidéo activée.
Désactiver systématiquement les caméras n’étant pas une solution envisageable, vis à vis de nos activités, mais également du regain potentiel d’un sentiment d’isolement des collaborateurs (voir Les incidences du télétravail sur le travailleur dans les domaines professionnel, familial et social par Émilie Vayre), il faut réfléchir à comment réduire cet impact.
Sur cette idée, le fabricant américain Nvidia a développé la plateforme Maxine. L’IA y est utilisée pour garantir la qualité des vidéoconférences tout en réduisant la bande passante nécessaire, permettant de diminuer la consommation de données et l’empreinte énergétique associée aux communications vidéo. Là encore, l’IA intervient comme un optimisateur, pouvant ajuster en temps réel en fonction des besoins de l’utilisateur de l’outil.
Les défis environnementaux de l’IA en 2025
Consommation d’énergie : le véritable coût de l’IA
On notera que pour le moment, le champ d’action se limite majoritairement aux émissions carbone et à la consommation d’énergie, écartant les enjeux de l’eau (la question du stress hydrique et de la rupture du cycle de l’eau notamment) et de l’occupation d’espaces par les infrastructures qui pourraient être les enjeux majeurs de demain.
De telles initiatives démontrent néanmoins une prise de conscience de la part d’acteurs majeurs du numérique sur la nécessité d’accorder l’utilisation de l’IA avec les enjeux environnementaux présents et futurs. La RSE est devenue un véritable levier de performance et d’innovation, et l’objectif serait même d’intégrer l’IA aux enjeux de développement durable au sens large.
L’impact des infrastructures sur l’environnement
C’est à ce titre que la France co-présidait en début 2025 le Sommet de l’Intelligence Artificielle (IA) avec l’Inde. Le gouvernement français y a notamment annoncé un plan ambitieux : 35 sites « prêts à l’emploi » ont été choisis en France pour accueillir des data centers, essentiels au développement de ces outils. Durant les jours précédant le sommet, le juriste en droit de l’environnement Thomas Le Goff déclarait : « Le laisser-faire pourrait compromettre le développement de l’IA, et conduire à un monde incompatible avec les objectifs climatiques ».
Vers une utilisation responsable de l’IA
Changer le pyromane en pompier
Optimiser l’usage de l’IA en entreprise
Il est évident que l’Intelligence artificielle pourrait être un atout considérable, tant dans la transformation de nos métiers que dans celle de nos sociétés.
Elle pourrait apporter une réponse aux enjeux climatiques et à la crise environnementale qui nous concerne. Mais il est nécessaire de rapidement faire en sorte qu’elle n’en devienne pas un accélérateur.
D’ici 2027, une étude de l’Université Cornell prévoit une consommation de l’IA qui se situerait entre 4,2 et 6,6 milliards de mètres cubes d’eau, une quantité légèrement supérieure à la consommation annuelle du Danemark. Et cela n’est qu’une fourchette basse au regard des ambitions mondiales relatives à son développement.
Quant à la consommation énergétique, une étude récente d’Epoch AI a su rassurer le monde sur le coût en énergie d’une requête sur GPT : 0,3 Watt Heure, soit 10 fois inférieur aux estimations initiales. Cela s’expliquerait par des avancées technologiques et une optimisation des systèmes, notamment de nouvelles puces (NVIDIA H100) avec un gain énergétique supérieur à 60 %.
Cependant nous n’utilisons pas GPT comme un simple moteur de recherche. Cette IA est pensée pour avoir des interactions construites avec des réponses plus ou moins complexes et pouvant s’inscrire dans la durée, induisant donc plus d’échanges pour une recherche qu’une simple demande sur Google.
Les bonnes pratiques pour une IA durable
Au-delà de travailler à rendre l’IA durable dans sa conception, nous devons apprendre à en optimiser l’utilisation. Contrairement aux idées reçues sur la RSE, c’est l’usage qui définit souvent la finalité d’une technologie.
Former les collaborateurs aux enjeux environnementaux
Dans cette idée et en admettant que l’utilisation de l’IA se généralise, il nous faut apprendre à l’utiliser correctement afin d’en faire un usage raisonné et responsable.
En entreprise, une sensibilisation des collaborateurs sur la réalisation de prompts efficaces peut être envisagée, réduisant ainsi le nombre de demandes et augmentant la justesse de la réponse. C’est également le cas pour le RGPD, qui voit avec l’IA l’émergence de nouveaux risques.
En plus d’IA générales comme GPT, il en existe de nombreuses autres, chacune étant spécialisée dans certains types de réponses. Assistant de mail, prise de note automatique en réunion, facilitateur pour faire des présentations, tant d’outils qui in fine peuvent être réellement utiles ou non. Il devient nécessaire de tenir compte du ratio utilité impact dans l’emploi de ce type d’IA de manière généralisée dans nos systèmes interne et de sensibiliser les collaborateurs sur le sujet.
Conclusion : l’avenir de l’IA environnementale
Pas de fumée sans feu
Il n’y a pas de réponse précise à ce questionnement de l’IA comme levier de durabilité du numérique. Mais elle entraîne en réalité une autre réflexion faisant écho à la réflexion de Pierre Rabhi selon laquelle « la crise environnementale est avant tout une crise civilisationnelle ».
Doit-on donc réellement se méfier des outils ou de leur utilisation ? Il nous faut juger l’outil en tenant compte de ses utilisations potentielles, particulièrement au regard de la nature humaine et des tendances qui l’influencent. La question n’est donc pas de savoir si l’intelligence artificielle peut être la solution à la crise environnementale. Il vaut mieux se demander si nous avons aujourd’hui la maturité nécessaire pour en faire une solution, à défaut d’en faire un problème majeur. Il nous faut tenir compte de ces questionnements afin d’éviter de reproduire l’éternel paradoxe de Javon dans laquelle sont enfermées une grande part de nos “innova-solutions”.
Ce qui est certain, c’est que son utilisation doit avoir comme base une éducation de chacun et chacune, afin de s’assurer que le réflexe soit le bras armé de la réflexion et non son remplaçant.
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