L’intelligence collective au service de la transformation durable des entreprises

Articlé rédigé par Bastien SCHEID

Publié le 15 octobre 2024

Alors que les pressions réglementaires s’intensifient et que les attentes des consommateurs, des investisseurs et des collaborateurs évoluent, les entreprises sont confrontées à un impératif de changement. La question n’est plus de savoir si elles doivent se transformer, mais comment le faire efficacement et durablement. Mais comment peuvent-elles naviguer dans cette complexité et trouver des solutions efficaces ? C’est ici que l’intelligence collective entre en jeu, offrant une approche novatrice pour naviguer dans la complexité des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.

Dans cet article, nous explorerons comment l’intelligence collective peut être le catalyseur d’une transition réussie vers des pratiques plus responsables et durables. Nous verrons comment elle peut aider les entreprises à relever les défis de la RSE, à repenser leurs modèles économiques et à créer de la valeur tout en réduisant leur impact environnemental.

Contexte et enjeux actuels des entreprises

Dans un monde confronté à des défis environnementaux, sociaux et économiques sans précédent, la capacité à s’adapter et à répondre à ces enjeux est devenue une priorité incontournable. Le changement climatique, la perte de biodiversité, ainsi que la dégradation des écosystèmes et des sociétés exigent des réponses rapides et efficaces de la part de tous les acteurs économiques, en particulier des entreprises.

Les pressions réglementaires et les attentes croissantes des consommateurs, des investisseurs, et des collaborateurs poussent les entreprises à repenser leurs modèles économiques et leurs pratiques opérationnelles pour les inscrire dans une stratégie plus responsable, visant à réduire l’impact de leurs activités sur la planète.

Cette démarche, appelée transition durable des entreprises, s’incarne dans la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Sa mise en œuvre génère de nouveaux enjeux économiques et sociaux au sein des organisations, impliquant souvent l’ensemble de la chaîne de valeur d’une entreprise et nécessitant la mobilisation de ressources humaines et matérielles. Qu’il s’agisse de recyclage, d’émissions de carbone, d’éthique des affaires ou d’inclusivité, ces sujets doivent être analysés à la fois à l’échelle du micro et du macro-environnement de l’entreprise pour en saisir toutes les implications et adapter les pratiques en conséquence, afin de les rendre plus durables.

Trouver des solutions, oui ! Mais une solution unique existe-t-elle ? Eh bien non. Il n’y a pas de solution unique. Pour chaque domaine d’action potentiel, une multitude de solutions peut être mise en place pour éviter, réduire ou compenser l’impact des activités de l’entreprise. L’objectif est donc de disposer d’une diversité de visions (et de moyens pour les rendre réalisables) afin de déterminer quelles actions sont les plus cohérentes à mettre en place en fonction des enjeux de l’entreprise et de son environnement. C’est là que l’intelligence collective entre en jeu.

L’intelligence collective, c’est 1+1 = 3

Pour rendre tangible le concept d’intelligence collective, certains le comparent aux comportements des fourmis ou des abeilles. Ces insectes collaborent autour d’un objectif commun, illustrant ainsi comment la réflexion collective peut engendrer des solutions innovantes et impulser le changement. On peut aller plus loin en soulignant que, dans une ruche ou une fourmilière, chaque individu possède des compétences et des caractéristiques bien définies.

C’est cette synergie qui crée le succès du collectif : une somme d’individualités qui forme un socle de réflexion commun et complet. Stricto sensu, l’intelligence collective est la capacité d’un groupe de personnes à collaborer pour atteindre un objectif commun.

Fondamentalement, l’idée est que la combinaison des connaissances, compétences, et perspectives diversifiées des membres d’un groupe (préétabli ou non) peut produire des résultats supérieurs à ceux qu’un individu seul pourrait atteindre. C’est le concept du “1+1 = 3” introduit par Kenneth Blanchard dans les années 70/80, qui défendait l’idée qu’« aucun d’entre nous n’est aussi intelligent que l’ensemble d’entre nous ».

En effet, cette diversité d’atouts individuels enrichit le répertoire de solutions potentielles et d’approches créatives proposées par le groupe. Les membres travaillent ensemble, partagent leurs idées et informations, et se soutiennent mutuellement pour atteindre un objectif commun.

    Pour rendre concrète l’intelligence collective dans une organisation, il faut inclure ces 5 c dans les processus de réflexion, tant dans leurs aspects stratégiques qu’opérationnels. Détaillons ensemble cette mise en application :

     

    • Créativité : les ateliers de brainstorming et de maïeutique notamment favorisent l’inventivité. Si chacun se prête au jeu en toute confiance, soutenu par ses collègues, les échanges sont facilités et les idées émergent. L’équipe accède à l’inconscient créatif du groupe, engendre la synergie, développe un haut degré de motivation pour finalement atteindre un niveau de performance et de compétitivité supérieur. Il peut être également pertinent d’avoir recours à des outils de gamification afin de présenter les différents sujets avec des angles de réflexion variés, dont certains sont parfois originaux et ludique.
    • Compassion : l’empathie, l’écoute active, la sympathie et la prise en compte des émotions et opinions d’autrui nourrissent la coopération d’un groupe. Le manager, en faisant lui-même preuve de compassion envers les membres de son équipe, modélise le processus et lui donne du crédit. Chaque collaborateur, naturellement, reproduit l’attitude solidaire, attentive et bienveillante avec ses collègues.
    • Collaboration : les outils de la collaboration sont divers et doivent servir à structurer la réflexion collective. Ils ont pour but de stimuler, de favoriser l’implication et l’engagement, d’ouvrir à la créativité et à l’innovation. Ici, le rôle du manager est de créer l’espace-temps et le climat de confiance nécessaires à l’application de ces outils. Dans un tel cadre de travail, les tâches sont attribuées selon les capacités, compétences et appétences de chacun voir par les collaborateurs eux même. On peut ici faire appel à des plateformes collaboratives pour faciliter les échanges et mettre l’information à disposition. Il est également nécessaire, pour assurer le continuum de l’esprit de coopération, de garder le sens des actions réalisées. Autrement dit : pourquoi fait ce que l’ont fait ? Et pourquoi avons-nous choisi de le faire de cette manière ?
    • Communication : les feedbacks et la liberté de parole sont des enjeux majeurs. Selon Jeremy Lamri, docteur en psychologie : « l’autocritique active le cortex préfrontal », donc renforce les capacités de passage à l’action et la prise de décision. Le collaborateur ose davantage avancer ses arguments. Il communique avec conviction et intelligence pour le plus grand bien de l’équipe et de l’objectif commun.
    • Réflexion collective : donner à son équipe les moyens d’apaiser sa capacité d’analyse élève la discussion commune et ouvre de nouveaux horizons à la réflexion du groupe. L’équipe progresse enrichie d’un point de vue plus éclairé et plus juste. Elle envisage l’avenir sous un autre angle et dégage des idées innovantes dans sa gestion de projets.

    L’intelligence collective, une fausse bonne idée ?

    L’intelligence collective semble être une véritable bonne idée. En effet, nous disposons d’exemples concrets d’utilisation de l’intelligence collective qui ont conduit à des avancées majeures dans l’histoire de l’humanité. On pense notamment à des domaines comme l’archéologie ou l’exploration spatiale, qui transcendent les diktats culturels ou religieux au service d’objectifs plus grands.

    Dans The Future of Work, Thomas Malone explore comment l’évolution des technologies de l’information transforme le fonctionnement des organisations, en favorisant des structures plus décentralisées et autonomes, basées sur le principe de l’intelligence collective.

    Les entreprises peuvent ainsi passer de modèles hiérarchiques traditionnels à des modèles plus flexibles et collaboratifs, où le pouvoir est réparti plus largement parmi les employés. Malone utilise l’exemple de Wikipedia, un modèle emblématique de l’intelligence collective, pour illustrer comment une organisation décentralisée peut produire un produit d’une qualité comparable, voire supérieure, à celui créé par des organisations hiérarchiques plus traditionnelles.

    Les utilisateurs de Wikipedia collaborent pour créer et affiner le contenu, et bien que n’importe qui puisse écrire ou éditer un article, des mécanismes de régulation communautaires assurent la fiabilité des informations. Cet exemple montre comment les nouvelles technologies et la collaboration massive peuvent remplacer les modèles traditionnels de production de connaissances, offrant une flexibilité et une réactivité que les structures centralisées peinent à atteindre.

    Et la transition durable dans tout ça ?

    Comme mentionné en introduction, l’objectif fondamental de la transition durable des organisations est d’éviter, réduire, ou compenser les impacts environnementaux et sociétaux de leurs activités. Cette transition ne peut pas être réalisée qu’à moitié ; il est donc essentiel d’avoir une vision la plus complète possible de ces impacts. Une vision enrichie par des expertises variées et des axes d’analyse diversifiés permet de concevoir des solutions aussi efficaces que possible. Elle nécessite une mobilisation générale des acteurs, non seulement pour dresser un état des lieux, mais aussi pour rechercher et mettre en place des solutions.

    De plus, les enjeux liés à cette transition sont souvent multidimensionnels et touchent de nombreux acteurs, ce qui rend leur inclusion dans les processus de réflexion indispensable. L’histoire montre que la mutualisation des réflexions entre différentes parties prenantes conduit généralement à des résultats positifs dans le domaine de la durabilité. Par exemple, en 2013, LEGO a utilisé une plateforme de collaboration en ligne pour impliquer ses clients dans la conception de produits plus durables, ce qui a permis de développer des solutions écologiques innovantes, telles que l’utilisation de matériaux recyclés dans ses produits, solutions qui n’auraient peut-être pas vu le jour sans cette approche collective.

    Par ailleurs, la transition durable d’une organisation ne pourra se faire sans l’implication des collaborateurs. La RSE vise à entraîner des mutations profondes dans les pratiques d’une organisation et ne peut donc pas se limiter à une réflexion partagée verticalement par quelques-uns. Elle doit être pensée par les principaux concernés, sinon les règles qu’elle induit risquent de ne pas être respectées.

    Cela souligne également l’importance de l’individualité au sein de l’entreprise, en montrant aux collaborateurs qu’ils peuvent contribuer activement à l’évolution de l’organisation, ce qui renforce leur engagement et leur attachement à celle-ci.

    L’article « Collaborative Innovation for Sustainability: The Role of Collective Intelligence in Achieving the SDGs” », publié en 2020 dans Business Strategy and the Environment, montre comment les entreprises peuvent mobiliser l’intelligence collective pour contribuer aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Il met en lumière l’importance des collaborations intersectorielles et de la co-création pour développer des solutions durables.

    Un exemple concret est le partenariat entre Unilever, l’ONG WWF, et des agriculteurs locaux pour promouvoir des pratiques agricoles durables. Grâce à la collaboration et à l’échange de connaissances entre ces parties prenantes, des méthodes ont été développées pour réduire l’empreinte écologique de la production agricole tout en améliorant les moyens de subsistance des agriculteurs. Cet exemple illustre comment l’intelligence collective, à travers la coopération entre différents secteurs, peut générer des innovations soutenant les ODD.

    Le développement durable est un sujet qui nous concerne tous, à des degrés divers, mais qui peut fédérer autour de grands objectifs, l’intelligence collective étant un levier essentiel pour les atteindre, ou au contraire, un obstacle si mal utilisé.

    Les pièges de l’intelligence collective 

    La réflexion collective n’est pas sans faille. En effet, les groupes peuvent parfois radicaliser les opinions de leurs membres, conduisant à des décisions extrêmes plutôt qu’à des compromis raisonnables. On notera également que l’intelligence collective peut échouer si les mécanismes de gouvernance et de délibération ne sont pas en place ; il est donc nécessaire de les structurer soigneusement en fonction des objectifs visés, de l’organisation de l’entreprise et des enjeux qui lui sont propres.

    L’emploi de l’intelligence collective nécessite donc un travail minutieux de cadrage en amont, ce qui peut également être coûteux en ressources. L’idée du 1+1=3 présentée plus tôt est également remise en question par certains. C’est le cas de James Shanteau, professeur et psychologue américain spécialisé dans la performance des entreprises. Il met en doute l’idée fondamentale du concept selon laquelle les groupes sont systématiquement plus intelligents que les individus. Il souligne que, dans certaines situations, les décisions de groupe peuvent être biaisées par des phénomènes tels que la pensée de groupe (groupthink) ou l’influence disproportionnée des membres dominants (aussi appelée « la stratégie du meilleur membre »).

    Enfin, l’intelligence collective ne se résume pas à une simple réflexion de groupe, comme le confirme l’étude « Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups » (Science, 2010) par Anita Williams Woolley, Christopher F. Chabris, Alex Pentland, Nada Hashmi et Thomas W. Malone, qui est l’une des plus influentes sur le sujet.

    Les chercheurs ont trouvé des preuves d’un facteur d’intelligence collective qui permet à certains groupes de mieux performer que d’autres. Ils ont découvert que la performance collective ne dépend pas seulement des compétences individuelles, mais aussi de la manière dont les membres du groupe interagissent et de la structure choisie pour les réflexions. Il est donc évident que la mobilisation de l’intelligence collective au sein des organisations promet des bénéfices certains, mais nécessite une prise de risque et une rigueur nécessaires pour les garantir.

      L’intelligence collective et RSE le lien intrinsèque qui les unit au sein du groupe SQORUS :

      Adaptabilité, diversité d’opinion, innovation, quelques notions directement liées à l’ADN SQORUS et qui sont aujourd’hui mises à profit dans le cadre de l’engagement RSE du Groupe. Notre équipe chargée de ces sujets se veut pluridisciplinaire et bien que la stratégie soit in fine validée par le COMEX, elle est pensée et objectivée par les collaborateurs qui, de ce fait, ont une forme de rôle décisionnaire dans les orientations stratégique et opérationnel du groupe en la matière.

      Mais ce n’est pas tout. En effet, l’intelligence collective a été mobilisée dès la genèse du projet, avec un exercice de matérialité tenant compte de la vision de l’ensemble de nos parties prenantes, internes comme externes. Nous avons par exemple sollicité nos clients sur les priorités en matière d’impact social et sociétal, nos fournisseurs sur leurs préoccupations en termes d’éthique et nos collaborateurs directs sur leurs attentats en matière d’engagement environnemental. C’est un exercice relativement coûteux en temps et en ressources mais qui nous offre une cartographie d’une part, des enjeux du marché et de l’autre,  de ceux de notre environnement. L’objectif étant de mettre en place une politique RSE qui puisse répondre de manière globale mais précise aux enjeux de notre marché dans son ensemble.

      Cela nous a permis entre autres, d’anticiper certaines préoccupations et de tenir compte de l’ensemble des visions évitant ainsi de cloisonner à une pensée unique sur les sujets RSE. L’engagement du groupe a deux faces : La première est en écho avec les préoccupations du marché, répondant ainsi aux attentes et exigences des parties prenantes et du cadre réglementaire.

      La deuxième répond à cet objectif voulu par les fondateurs, un engagement d’individu allant au-delà du simple engagement collaborateur. Et pour engager les individus, il faut indubitablement en tenir compte.

      C’est ce que nous faisons chez SQORUS : nous tenons compte de chacune et chacun. Nous avons cette vision que la RSE est l’affaire de tous et qu’elle doit pouvoir être réfléchie et mise en action par tous et pour tous. Aujourd’hui le groupe capitalise sur cette expérience et s’applique à mettre en œuvre l’intelligence collective au service d’entreprises plus responsables.

      Nos équipes étant toujours plus attentives aux spécificités de chacun des écosystèmes d’entreprise qu’elles sont amenés à côtoyer, réévaluant constamment nos pratiques et notre emploi de l’intelligence collective, inscrivant notre vision dans une démarche d’amélioration continue qui est selon nous intrinsèquement liée à l’emploi de telles pratiques.

      Si cet article vous a inspiré des idées autour de l’intelligence collective ou de la RSE, n’hésitez pas à nous contacter.

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